4 mars 2025
Ludovic Malot, économiste & entrepeneur
Le stockage des métaux précieux est souvent perçu comme une option sécurisée pour préserver son patrimoine. Pourtant, derrière cette apparente tranquillité se cachent des pratiques frauduleuses, un manque de transparence et des scandales financiers qui ont déjà coûté cher à de nombreux investisseurs. De la gestion opaque des stocks aux fraudes massives impliquant des banques et des raffineries, l’histoire regorge d’exemples démontrant pourquoi la détention physique reste la seule véritable garantie de propriété.
Dans cet article, nous explorerons les pratiques douteuses les plus courantes dans l’industrie du stockage des métaux précieux, en nous appuyant sur des cas concrets ayant déjà conduit à des pertes massives.
1. Le Stockage Fractionnaire : Une Bombe à Retardement
Principe du stockage fractionnaire
Le stockage fractionnaire consiste à ne détenir qu’une fraction des métaux annoncés aux clients. Cette pratique repose sur l’hypothèse que tous les clients ne demanderont pas simultanément la restitution de leurs actifs. Cela permet aux entreprises de maximiser leurs bénéfices en utilisant le reste des fonds pour d’autres opérations.
Exemple : La faillite de Bullion Direct (2015, États-Unis)
Bullion Direct, une plateforme d’achat et de stockage de métaux précieux, prétendait détenir des stocks pour le compte de ses clients. En réalité, l’entreprise avait utilisé ces fonds pour financer ses propres opérations. Lorsque des investisseurs ont voulu récupérer leur or et argent, ils ont découvert qu’il n’y avait presque plus rien en réserve. Résultat : des millions de dollars en pertes et un procès retentissant.
Exemple : L’affaire ABN AMRO (2013, Pays-Bas)
La banque néerlandaise ABN AMRO proposait à ses clients de stocker de l’or en leur nom. Mais en 2013, elle a changé les conditions de son contrat, informant ses clients qu’ils ne pourraient plus retirer de l’or physique, mais seulement recevoir un paiement en espèces à la place. Cela a révélé qu’ABN AMRO ne détenait pas réellement l’or promis, opérant selon un système de stockage fractionnaire.
2. L’Utilisation des Stocks Clients Comme Collatéral
Principe
Certaines sociétés de stockage utilisent les métaux déposés par leurs clients comme garantie pour obtenir des financements ou les prêtent à des tiers sans en informer les propriétaires légitimes.
Exemple : ScotiaMocatta (2018, Canada)
ScotiaMocatta, une filiale de la Banque Scotia spécialisée dans les métaux précieux, a été accusée d’avoir utilisé les stocks de ses clients comme collatéral pour des transactions financières, sans leur consentement. Lorsque la banque a cherché à revendre cette filiale en raison de difficultés financières, les clients ont craint de ne jamais récupérer leurs métaux.
Exemple : Les raffineries et ports francs
Certaines raffineries qui proposent des services de stockage encouragent fortement leurs clients à opter pour un stockage chez elles. En réalité, ces stocks peuvent être utilisés en garantie pour obtenir du crédit ou être prêtés à d’autres entités financières, ce qui compromet la disponibilité immédiate des métaux en cas de demande massive de retrait.
3. La Manipulation des Stocks et l’Or Falsifié
Principe
Certaines institutions modifient la composition des lingots stockés ou vendent de l’or de qualité inférieure à ce qui est annoncé.
Exemple : Le scandale de Perth Mint (2023, Australie)
Perth Mint, l’une des plus grandes raffineries d’or au monde, a été accusée d’avoir vendu de l’or dilué à des clients chinois. L’or contenait des niveaux de pureté inférieurs aux standards déclarés, menaçant la réputation de l’entreprise et mettant en lumière un manque total de contrôle et de transparence.
Exemple : Le faux or chinois à Wuhan (2019)
En 2019, un énorme scandale a éclaté en Chine lorsque plus de 83 tonnes d’or utilisées comme garantie bancaire se sont révélées être des lingots de cuivre plaqué or. Ces lingots avaient été utilisés pour garantir des prêts d’une valeur de 2,8 milliards de dollars.
4. Le Blocage des Stocks en Cas de Crise
Principe
Lorsqu’une crise économique éclate, certaines entreprises de stockage bloquent l’accès aux actifs des clients, sous prétexte de régulations ou de difficultés logistiques.
Exemple : La confiscation de l’or aux États-Unis (1933)
En 1933, sous l’administration Roosevelt, le gouvernement américain a interdit la détention privée d’or et obligé les citoyens à vendre leurs stocks à la Réserve fédérale à un prix fixé. Ceux qui stockaient leur or en banque ou via des tiers n’ont pas eu d’autre choix que de s’y conformer.
Exemple : Le gel des retraits chez GoldMoney (2011, Royaume-Uni)
GoldMoney, une plateforme de stockage d’or en ligne, a suspendu temporairement les retraits d’or physique de certains clients en raison d’un « volume de demandes exceptionnel ». Cet événement a renforcé les craintes autour du fait que les métaux stockés par des tiers pourraient ne pas être immédiatement accessibles en cas de besoin urgent.
5. L’Absence de Transparence et les Audits Douteux
Principe
Certaines entreprises prétendent offrir des audits réguliers, mais ces audits sont souvent réalisés en interne, sans contrôle indépendant, ou biaisés.
Exemple : L’affaire du London Gold Fixing (2014, Royaume-Uni)
Pendant plus d’un siècle, le prix de l’or a été fixé par un petit groupe de banques à Londres. En 2014, une enquête a révélé que ces institutions avaient manipulé les cours à leur avantage, affectant des milliards de dollars d’échanges et soulevant des doutes sur la transparence du marché de l’or physique.
Conclusion : L’Importance de la Détention Physique
Ces multiples exemples montrent que faire confiance à des tiers pour stocker son or et son argent métal comporte des risques majeurs. Entre stockage fractionnaire, manipulation des stocks, utilisation des actifs clients comme collatéral et absence de transparence, il est clair que les investisseurs doivent être extrêmement prudents.
💡 Solution : Stockage personnel
– Détenir physiquement ses métaux précieux, chez soi ou dans un coffre sécurisé hors du système bancaire.
– S’assurer de la traçabilité des lingots et pièces, avec numéros de série et certificats d’authenticité.
– Éviter les solutions de stockage en « compte mutualisé » qui ne garantissent pas la propriété individuelle des actifs.
🔑 Règle d’or : Si vous ne le possédez pas directement, vous ne le possédez pas vraiment.
Les solutions de stockage externalisé peuvent sembler séduisantes par leur facilité, mais elles sont fondamentalement une illusion de sécurité. Dans un monde où la confiance dans les institutions financières s’érode, posséder ses métaux en direct, chez soi, reste l’un des meilleurs gages de souveraineté patrimoniale.
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